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DES EXEMPLES DIDACTIQUES - suite

L'exception culturelle française

Un choix d'extraits de films ou de bandes annonces, voire des affiches, pourraient permettre d'aborder les mutations culturelles des années 70 et 80 en prenant l'exemple du cinéma. L'effondrement de la fréquentation des salles obscures, en chute dès les années 50 en raison de la concurrence de la télévision et des nouveaux loisirs, s'accélère en effet à la fin des années 70 dans les pays "occidentaux", mais à l'exception notable des Etats-Unis et de la France, où cette érosion est stoppée.Un graphique pourrait le montrer et des hypothèses explicatives être demandées aux élèves. C'est que le cinéma français a su se transformer pour devenir "une industrie" dont la production se concentre désormais autour de quelques pôles financiers (notamment Gaumont, AMLF et Artmedia). Les pouvoirs publics ont soutenu cette évolution, encourageant le mécénat d'entreprise dans ce secteur, facilitant la création de récompenses telles que les Césars et organisant la promotion du cinéma par les chaînes de télévision publiques, soumises de surcroît, comme les privées, à des règles de diffusion strictes concernant les films. Un nouveau cinéma français apparaît, ambitieux et à gros moyens : dont Diva, L'As des As, Fort Saganne ou Les misérables, et même le Tess de Polanski, produit par Claude Berri, peuvent donner une idée.. De nouveaux réalisateurs venus de la publicité rencontrent le succès, comme Jean-Jacques Annaud ou Jean Becker (L'été meurtrier). Cette mutation du cinéma, dont le producteur Daniel Toscan du Plantier est le porte-parole, est encore accélérée par Jack Lang dès son arrivée au ministère de la Culture en 1981. Lang souhaite appliquer à d'autres secteurs de la culture les méthodes du cinéma et multiplie les mesures de subventionnement ou de réglementation (le prix unique de livre par exemple).. La loi Fillioud sur la communication audiovisuelle de juillet 1982 traite à la fois du cinéma et des autres médias, dont le cinéma est de plus en plus dépendant (Canal Plus et les chaînes hertziennes privées produisent ou coproduisent les films et assurent en acquittant des droits de diffusion une part notable des recettes). Le cinéma, qui avait été "le grand conteur populaire de la première partie du [XXème] siècle" selon le mot de Jean-Michel Frodon, manifeste une ambition artistique plus élevée, mais perd de son pouvoir de représentation au profit du divertissement, de l'évasion, bref, du spectacle. Il résiste toutefois à la concurrence hollywoodienne et, dans ce domaine, la France figure en bonne place dans "l'oligopole géographique mondial".

Un certain protectionnisme s'instaure : Le financement automatique du cinéma français par l'ensemble des spectateurs, quel que soit le film choisi, et la dénonciation, malgré la création d'un festival du film américain à Deauville, de l'impérialisme culturel des Etats-Unis peuvent être illustrés, en contre-point, par des tableaux montrant l'ouverture du marché français aux produits audiovisuels étatsuniens. Tout en brisant les vieux monopoles au bénefice d'entrepreneurs privés (les radios libres, autorisées au départ à émettre sur un plan local, se constituent dès 1981 en réseaux nationaux et NRJ, menacée d'une interdiction d'émettre par la haute Autorité en 1982, est capable d'improviser en riposte une manifestation de plusieurs milliers de jeunes à Paris) Les gouvernements, entre 1981 et aujourd'hui, tentent de préserver une certaine indépendance nationale et refusent, dans le cadre de l'OMC notamment, que l'idée d'économie "culturelle" s'impose au point qu'une libéralisation totale des échanges de biens culturels soit mise en oeuvre. Lang, commeBalladuraprès lui , défendent la clause de l' "exception culturelle » : il s’agit, en fait, d’une dérogation limitée en principe au seul secteur de l’audiovisuel, au libre-échangisme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La plupart des états-membres de l'Union Européenne ont finalement adopté cette politique, qui permet de fixer des quotas de diffusion de films étrangers, de subventionner ses créateurs, etc.. Le rôle traditionnellement attribué à la France de "leader d'opinion" en Europe a été effectivement vérifié dans ce domaine.

Les socialistes se réclament de de Gaulle ?

Un article de Claude Allègre dans l'Express du 21 juillet 2003

[...] L'idée que la culture est, pour un pays comme la France, une valeur essentielle qui ne peut pas laisser l'Etat indifférent a gagné ses lettres de noblesse grâce à de Gaulle, qui avait confié à André Malraux le soin de mettre en œuvre cette ambition. Après une période d'érosion, François Mitterrand avait repris le flambeau, aidé par le dynamique Jack Lang. Deux périodes, deux impulsions, deux styles, mais deux actions qui ont contribué à faire la France d'aujourd'hui. Pourtant, l'idée que l'Etat doit se mêler de culture n'est pas facile à admettre. La période 1939-1945 ici, et aujourd'hui les régimes soviétique, chinois ou cubain nous amènent tout naturellement à être méfiants. Et l'académicien Marc Fumaroli a beau jeu de surfer sur ce sentiment en fustigeant l'Etat culturel et en dénonçant la dictature du bon goût technocratique et de la réglementation «culturelle». Mais j'ai envie de lui demander: Louis XIV et ses princes avaient-ils meilleur goût qu'André Malraux ou que Jack Lang? Il faut examiner les faits sans préjugés. Dans le cinéma, quel est le seul lieu de résistance au rouleau compresseur hollywoodien, si ce n'est la France et sa politique d'aide? Que serait notre édition sans le prix unique du livre? Que serait notre patrimoine sans la politique de rénovation volontariste? Et nos musées? Et nos festivals? Notre Fête de la musique, désormais fête nationale, n'est-elle pas tout un symbole? On peut comparer avec les pays qui ont choisi la «voie marchande». Cinémas italien, allemand ou brésilien, qu'êtes-vous devenus? Vous aviez pourtant enchanté le monde! [...]

Pour conclure : on retrouve, en schématisant, 3 phases dans la politique culturelle de la France. Une période de fondation 58-73, dont l'élan est quelque peu brisé par les événements de 1968, une parenthèse 73-81, une refondation à partir de 81 : mais l'unité du projet esthétique et idéologique est évidente. Un parallèle avec d'autres aspects paraît facile. Faute de temps, on n'a pu creuser ces pistes de réflexion pour déboucher sur une proposition d'utilisation concrète comparable aux exemples développés autour de Malraux.