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"Certains l'aiment chaud" : l'Amérique des années Vingt vue par le cinéma Hollywoodien en 1959.


Développement : commentaire "linéaire"

Il est possible de ne pas respecter l'ordre de lecture du document (ici de visionnage du film) et d'organiser ce paragraphe en deux ou trois parties  répondan tà une problématique explicitement présentée à la fin de l'introduction


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scène 1 (post générique) :
un corbillard, des véhicules de police et un petit véhicule personnel (une Ford T)
circulent dans les rues de Chicago, témoignage de l'avance réelle des États-Unis en matière automobile (une pour 4 habitants en 1929!) grâce au progrès du Fordisme (modèle d'organisation industrielle à la base de l'expérimence de "la Prospérité" des années 20 aux États-Unis  permettant une production de masse grâce à une méthode scientifique basée sur le Taylorisme, le travail à la chaîne, etc. mais impliquant le paiement de salaires élevés aux ouvriers afin de déboucher sur une "société de consommation").

des échanges de tir nourris (entre policiers et gangsters maniant des "sulfateuses")
constituent une allusion (caricaturale voire comique) au niveau de criminalité très élevé du Chicago des années Vingt. Mais le taux d'homicides est par ailleurs, de fait, beaucoup plus élevé en Amérique qu'en Europe, ceci dans "les années Jazz" comme aux périodes antérieures ou suivantes. L'usage banalisé de la violence est typique de l'Amérique, une société de pionniers marquée par les circonstances de la conquête de l'Ouest et le port d'armes est considéré au Nouveau Monde comme un droit (garanti par la Consitution) âprement défendu, jusqu'à nos jours, par un lobby puissant (la NRA : National Rifle Association).



des rues droites, un plan en damier et des immeubles élevés
sont une illustration de l'urbanisme caractéristique de l'Amérique du Nord, qui commence justement, au cours des années Vingt, à affirmer radicalement ses différences par rapport aux conceptions architecturales européennes : nombreux carrefours (blocs de 250 m de côté) et rues orthogonales montrant que la nature est dominée par l'Homme (le pays se perçoit - c'est la vision de la plupart des chrétiens protestants ayant fondé la nation - comme une terre promise par Dieu et valorisée par ses habitants). Chicago est l'une des premières villes à avoir construit des gratte-ciels, pratique attestant l'esprit spéculatif des Américains, soucieux de "faire de l'argent" et de relever tous les défis (techniques et financiers).

des cercueils remplis de whisky
L'anecdcote renvoie au fait que les États-Unis ont proscrit la production et la consommation de l'alcool : c'est "la Prohibition", qui dure de 1920 à 1933 et crée paradoxalement des circonstances très favorables au développement des activités de la pègre. Cette interdiction s'explique par des considérations morales qui sont souvent portées par les Puritains (protestants intransigeants) alors que les Blancs Anglo-Saxons protestants (Wasps) souhaitent après 1918 imposer un retour - évidemment chimérique - à l'Amérique des pères fondateurs (Back to Normalcy) et qu'une grande partie de l'opinion publique fait preuve d'intransigeance et se radicalise parfois (renouveau du KKK, procès du singe, etc.).



scène 2 : le bar clandestin et la rafle

allusion à "la famille" et noms italiens portés par les bandits
Les méchants semblent, dans le film, appartenir à la maffia et leurs chefs portent des noms transalpins (Mozzarella, Colombo) ce qui est un clin d'oeil au patronyme du célèbre Al Capone, gangster fameux, surnommé "Scarface" et dont a vie a fait l'objet d'adaptations cinématographiques nombreuses : des films noirs que "Certains l'aimend chaud" prétend parodier. Billy Wilder se moque ainsi de la xénophie sévissant dans les années Vingt : des lois sont prises à partir de 1921 pour maintenir (grâce à des "quotas") une immigration qui soit majoritairement d'origine germanique et nord-européenne ; les Italiens - très mal considérés par les Anglo-Saxons (l'équipage britannique du Titanic enferme dans ses cabines le personnel italien lors du célèbre naufrage) sont indésirables pour beaucoup, le Ku Klux Klan se déclarant l'ennemi des Noirs mais aussi des Juifs et des Catholiques.

danseuses habillées dans le style "French cancan" et flappers
Les femmes du film (clientes, musiciennes, secrétaires) sont toutes habillées à la mode des années Vingt. Elles montrent leurs jambes mais sont juchées sur des talons hauts, découvrent en partie leurs cheveux mais les ont coupé très courts, "à la garçonne". Cette représentation fait allusion à la grande liberté de moeurs autorisée aux femmes des grandes villes américaines, éprises de marathons de danse et autres festivités : les danseuses de Charleston visibles sur la scène du tripot clandestin sont très déshabillées, alors que les "flappers" se contentent de montrer leurs jambes, de prendre le volant d'une automobile et d'oser fumer en public.. ce que "l'Amérique profonde" trouve choquant.

endettement des musiciens et chômage
Joe et Jerry sont endettés et ont du mal à trouver du travail, alors que le Krach n'a pas encore eu lieu. Billy Wildder signale par là, subtilement, que des indices faisaient entrevoir l'imminence de la crise. Mais, en réalité, seul un mathématicien, Babson, a véritablement prévu et annoncé la catastrophe, sans être toutefois écouté, compte tenu de l'optimisme foncier des États-Uniens (incarné par Joe qui ne veut pas écouter les avertissements de Jerry et souhaiterait engager leurs "bouées de sauvetage" auprès d'un prêteur sur gages pour participer à des paris risqués) et du climat tout euphorique des roaring twenties,  quand la société de consommation marque ausi les prémices d'une société des loisirs.



scène 3 : recherche d'emploi

pari perdu
"Rayon de soleil" (le chien sur lequel les musiciens ont misé) n'a pas gagné sa course et les héros du film y ont perdu leur manteau. La frénésie du jeu animant Joe peut être considérée comme une allusion à la spéculation boursière, très développée avant la crise de 1929. Le froid polaire sévissant sur Chicago vient rappeler au spectateur les rigueurs du climat continental qui caractérise le continent nord américain.  

Chez Poliakov
Les musiciens font le tournée des imprésarios. Tous ont des secrétaires, dont certaines qui boivent en cachette, et Poliakov cherche une contrebasse et un saxophone pour une tournée en Floride : il s'agit hélas d'emplois féminins (offerts par "Sweet Sue" et on orchestre de "jazz mondain").  Nellie, ses "déshabillés", ses "parts de pizza" et son "huppmobile" incarnent la jeune femme américaine émancipée, qui travaille et vit seule, assume une vie sentimentale moderne... son comportement est en avance de 50 ans sur celui des Européennes.



scènes 4 et 5 :  règlement de compte et fuite

le parking

Joe et Jerry sont témoins de l'assassinat de Charlie (dit "le cure-dent", informateur de police qui l'a "balancé") par Colombo, dit "le marquis". Charrlie porte un nom anglais, ce qui souligne l'hostilité des "anglophones" envers les Italiens, et tente de demander des secours "par téléphone" : cet instrument, utilisé également par Jerry pour prétendre à l'offre d'emploi de Poliakov, est devenu très banal, dès les années Vingt, aux États-Unis, une "société de communication" précoce, très en avance, là aussi, sur l'Europe et le reste du monde (le meurtre est déjà crié par les vendeurs de journaux qui en ont fait une "édition spéciale" afin de "vendre du papier" quand les musiciens arrivent sur le quai de la gare ; la scène du règlement de compte est par ailleurs  une allusion, à un fait divers réel : Al Capone  ayant fait exécuter sept gangsters d'une bande rivale dans un parking de Chicago le 7 février 1929 : massacre dit "de la Saint-Valentin").

 départ pour la Floride
La fuite de Joe ("Joséphine") et Jerry (alias "Géraldine" puis "Daphné") qui craignent d'être supprimés par Colombo et sa bande, se fait moyennant leur travestissement en femmes et après qu'ils se soient "rasés les jambes". Joe en prend l'initiative mais c'est Jerry qui avait suggéré ce plan le premier et qui, s'il s'extasie dans l'ultime scène étudiée sur le corps du personnage d'Alouette ("Sugar" dans la version originale) joué par Marylin Monroe (véritable premier rôle,  héroïne du film et citée en premier au générique - fait sans précédent pour une actrice !) se plaira davantage dans son rôle féminin tout en feignant d'être courtisé malgré lui par un millardaire persévérant (au point que ce dernier le demande en mariage à la fin du film, et lui lance après qu'il ait avoué être un homme, la fameuse réplique : "Nobody's perfect"). Il s'agit là d'audaces cinématographiques, en réaction à la censure sévissant dans les années 50 et 60 à Hollywwod ! et non d'allusions directs à 1929.



"Butor !"
 
La comédie suggère que seule "une femme du monde" peut s'offusquer de la tape sur le postérieur infligée par le régisseur à "Daphné". Ce trait d'humour vise peut-être davantage le milieu artistique (des années 60, voire contemporain) dont on sait que le harcèlement y est monnaie courante, que la société des années Vingt en particulier, mais il révèle que les libertés acquises par les femmes américaines en 1929 sont encore partielles, voire limitées, notamment parce qu'elles subissent ( et sans forcément trouver à y redire, si l'on en croit le propos attribué au régisseur) des gestes inappropriés voire un véritable harcélement sexuel.