Une étude de document

La "carte"  produite par "Géoconfluences" permet de résumer de manière claire et visuelle  les grandes lignes du développement du commerce de la tomate et de son industrialisation, montrant bien qu'il s'agit d'un cas particulier d'un mouvement plus vaste. Néanmoins c'est d'avantage l'Histoire de la mondialisation que sa Géographie qui est  illustrée ici., même si le rôle essentiel joué par l'Europe, l'Amérique du Nord et les pays émergents (la Chine) est souligné, comme l'intégration paradoxale des pays pauvres dans l'espace mondialisé puisque les PMA sont concernés par le commerce du concentré de tomate..




LE CONCENTRE DE TOMATE,
produit emblématique de la mondialisation

Le plus accessible des produits industriels de l'ère capitaliste

La tomate industrielle est consommée partout en grande quantité (5 kg par personne et par an) sous forme de conserves mais plus encore de sauce ou de concentré et garnitures de plats cuisinés. La firme Heinz, leader historique du secteur,  traiterait à elle seule 5 % de la production mondiale (130 millions de tonnes). Comme les autres géants de ce secteur agroalimentaire (sa filiale Kraft, mais aussi Nestlé ou  Campbell Soup, Unilever,etc. ) l'entreprise achète le concentré de tomates qu'elle transforme, conditionne et commercialise auprès de divers fournisseurs - dont l'un des principaux est la firme chinoise COFCO . Il s'agit donc d'un marché très fortement concentré (un oligopole de FTN dominant les autres opérateurs, quelques régions de production très prépondérantes : dont le Xinjiang, qui fournit aujourd'hui près du tiers de la production de tomates transformées) et très mondialisé,  typique de la "transition alimentaire".

Un produit mondialisé typique : commentaire de carte

Quatre grandes questions se posent sur la mondialisation ; elles peuvent donc être formulées à propos de n'importe quel document donné à commenter...
On aurait pu, par conséquent, bâtir un développement en quatre parties (3 points chacune) traitant ces grandes interrogations  :
1. La mondialisation est-elle synonyme d'unification du monde ?
2. Cette unification du monde est-elle seulement économique ? 
3. Dans quel espace se déploie la mondialisation ?  
4.  Quels sont les acteurs pilotant la mondialisation ?



retour en haut de page

INTRODUCTION

entrée en matière
reformulation
problématique (facultative)
annonce du plan

retour en haut de page
Un produit mondialisé typique : composition

eem. Il est commun d'illustrer le processus d'intensification des échanges et de diffusion de produits standardisés désignés sous le vocable de "mondialisation" par l'exemple de produits électroniques tels que l'ordinateur individuel ou le téléphone mobile.
ref. Pourtant, la constitution d'un marché unique mondial s'est amorcé bien avant la révolution technologique et continue de concerner de manière toujours plus spectaculaire les industries agroalimentaires... C'est notamment le cas de la tomate industrielle, commercialisée sous forme de conserves mais surtout de sauces (comme le fameux "Ketchup") et de garnitures diverses (pizzas et autres produits, surgelés ou non) obtenues par la transformation de concentré.
pb* La Chine, premier producteur de tomate et très impliquée dans la fabrication de concentré de tomate,  a-t-elle vocation à devenir,
au terme du processus de globalisation, dans ce domaine comme dans les autres,  l'unique "atelier du monde"  ?
annonce. Nous verrons dans un premier temps que la tomate industrielle est l'un des produits les plus universels,  consommé absolument partout dans le monde..  et qu'il participe à ce titre d'un phénomène d'unification culturelle désigné sous le nom de "transition alimentaire". Puis nous étudierons comment s'organisent les acteurs et les flux de "la civilisation de la tomate" avant  de montrer comment  les dysfonctionnements de ce marché illustrent les limites de la "mondialisation heureuse" imaginée par les tenants de l'aconomie libérale...
DEVELOPPEMENT

retour en haut de page
Les trois grandes zones de productions de tomates

AMERIQUE 20%
dont Etats-Unis 10%

EUROPE 22% et PAYS MEDITERRANEENS 13 %

ASIE 45%
dont Chine 25%

retour en haut de page

Les principaux pays producteurs

Chine
UE (Italie : 40% de la production européenne)
Etats-Unis
Turquie
Inde
Egypte
Iran

au delà, les productions nationales sont inférieures à 5 MT/an

retour en haut de page
CONCLUSION

bilan, réponse à la problématique
 et ouverture

bi.La fabrication et l'exportation de sauces tomates à partir de concentrés importés, d'origine plus ou moins exotique, variable en fonction des taux de change et de la saison, des stocks et des récoltes est devenue la norme et participe à l'intensification des échanges dans l'espace mondialisé : la tomate d'industrie est bien un emblème de la mondialisation, avec pour centre d'impulsion la Californie (les Etats-Unis restant le premier pays  producteur de concentré) la région euro-méditerranéenne et les pays émergents (Chine mais encore Amérique du Sud) tandis que les PMA sont marginalisés.
pb. Si la Chine a le quasi monopole de la fabrication d'ordinateurs portables et de smartphones et la Thailande celui des barrettes de mémoire, il semble que la production de tomate industrielle et de concentré doivent rester plus éclatée, malgré la concentration horizontale qui caractérise ce marché.
ouv. Si le Ketchup permet de comprendre la géographie du capitalisme moderne, en serait-il de même d'autres produits alimentaires emblématiques tels que les sodas (Coca Cola) ou le Hamburger (Mac Do)  ?



1. Un produit universel
La tomate est le légume le plus consommé dans le monde avec la pomme de terre (et la patate douce). La production (hors cultures vivrères et non commercialisées) dépasserait les 126 MT  d'après la FAO (et serait en très forte hausse : 64 MT seulement en 1988). Plus de 5000 variétés sont recensées et 170 pays produisent des tomates ! Tout le monde en consomme, sous la forme de la tomate de marché (produit frais, 80% de la production) ou, de plus en plus souvent, sous la forme de tomate industrielle transformée, un aliment devenu synonyme de la "malbouffe" (peut-être inventée par Heinz, père du "ketchup") caractérisant notre époque. Chaque être humain mangerait 5,2 kg de tomates par an. On parle parfois de "civilisation de la tomate" comme on a pu évoquer dans le passé les civilisations du blé (Braudel) du maïs ou du riz.... Elle est emblématique des pratiques agricoles intensives promues durant la Révolution Verte (la purée de tomates fût le premier aliment OGM commercialisé en Europe, entre 1996 et 1999, même si l'industrie préfère employer aujourd'hui des variétés hybrides).

2. Acteurs et Flux
- Trois régions du monde produisent l'essentiel des tomates (voir dans la marge) mais elles ne correspondent pas complétement aux trois pôles de "la Triade" : cette notion qui renvoit à l'oligopole jadis détenu par les Etats-Unis, la RFA et le Japon est complétement inadaptée à rendre compte à l'état des rapports de force sur ce marché..  Le quart de la production mondiale (mais seulement 20% de la production chinoise) de tomates est transformé (lavage, broyage et évaporation... pour produire essentiellement du concentré vendu en conserves ou sous d'autres formes). Malgré l'émergence du Sud et la part prépondérante des industriels Etats-Uniens et de la Californie, l'Union Européenne est l'un des grands acteurs de ce marché (second producteur de tomates après la Chine, mais premier exportateur, elle autorise la transformation de concentrés sur son sol et leur réexportation avec la mention "made in UE").
- Deux types d'usines interviennent, qui n'appartiennent pas aux mêmes opérateurs. Le concentré de tomates est obtenu dans des usines "de première transformation" par lavage, broyage et évaporation. A elle seule, la firme "Morning Star" (dont le siège est à Sacramento, en Californie) assure 12% de la production totale et transforme dans ses trois usines 1350 t de tomates fraîches par jour, fournissant tout une gamme de concentrés de qualité variable (teneurs en sucre et en fruit  peuvent être très différentes). Des usines "de seconde transformation" appartenant à des groupes tels que Nestlé, Heinz-Kraft ou Campbell Soup (lesquels ont renoncé de longue date à traiter par eux-mêmes les fuits pour externaliser cette tâche, mais se sont délocalisés au point que l'américain Heinz est le premier exportateur de sauce tomate européen) produisent à partir de ce concentré (obtenus généralement au meilleur prix, auprès de fournisseurs différents et grâce à des traders spécialisés, des produits agro-alimentaires répondant aux goûts des consommateurs : soupe et potage, ratatouille, pizza, lasagne mais encore gaspacho etc.
- Les principaux flux de concentré de tomates consistent en échanges entre les grands producteurs européens (Italie, mais aussi Espagne et Portugal) et leurs voisins proches  de l'EEE et d'Afrique du Nord : ces exportationseuropéennes sont évaluées à 1,2 MT/an. La Chine est le second exportateur (991 000 T annuelles) et ses clients se répartissent essentiellement en Afrique et en  Europe, puis au Moyen Orient et enfin en Asie. Troisième exportateurs, les Etats-Unis (459 000 T par an) vendent surtout sur leur continent. Le marché représenté par les pays d'Afrique subsaharienne est devenu très important, d'autant que les pays concernés ne produisent pas du tout de concentré ! L'émergence des "Suds" est donc confirmée à travers l'exemple de la tomate, eu égard au rôle éminent de certains PVD dans la production du fruit (Inde, Chine) et dans celle des concentrés (Chine, Brésil, Iran) mais aussi  à l'importance de l'Afrique subsaharienne comme débouché.

3. Limites
- La tomate industrielle est l'un des vecteurs d'une "transition alimentaire" censée rapprocher les modes de consommation des différentes régions du monde, mais la production massive de concentré de tomate consiste en une industrialisation de l'alimentation sans doute peu compatible avec les exigences sanitaires... et par ailleurs peu scrupuleuse quant à l'authenticité des produits (la FTN d'origine indienne "Watanmal" commercialise ainsi, en Afrique et en Asie, sa tomate en conserve sous la marque à consonance italienne "Gino"). Les ketchups commercialisés de nos jours contiennent habituellement 25 % de sucre mais très peu de concentré de tomate (entre 6 et 30 % au mieux ; leur couleur rouge n'est donc pas due à la présence de tomate dans la recette !). Ils contiennent parfois du sirop de maïs génétiquement modifié et seraient responsables - autant voire plus que les sodas - de l'épidémie d'obésité observable en Amérique du Nord.
- La"première transformation" génère peu de rentabilité, ce qui explique que les géants de l'agroalimentaire déjà cités, ou d'autres comme Unilever ou PepsiCo,. aient délaissé cette activité au profit de la "seconde transformation", plus profitable. Du coup, les salaires pratiqués dans les pays émergents (notamment par la filiale spécialisée du groupe COFCO, Tunhe) sont très modérés - ce qui empêche l'amélioration du niveau de vie des employés, et de surcroît la commercialisation de concentrés de basse qualité nuit au développement de l'agriculture des PMA. C'est ainsi qu'au Ghana les tomates fraîches produites localement se vendent mal à cause des conserves chinoises, alors que les usines de transformation qui existaient dans le pays ont été fermées il y a trente ans, sur les conseils du FMI. pour certains observateurs, la tomate d'industrie contribuerait fortement au creusement des inégalités Nord-Sud.
- La transformation des tomates gaspille beaucoup d'eau ce qui est l'un des travers de "l' industrie rouge" et en fait  l'exemple d'une activité incompatible avec le "développement durable".  Quoique les généticiens aient veillé, depusi les années 60, à promouvoir des variétés contenant le moins d'eau possible, résistantes et faciles à cueillir, la tomate d'industrie nécessite une irrigation massive (ceci dans des régions où l'eau est rare, en Californie par exemple!) pour aboutir à la production, obtenue paradoxalement par évaporation, d'une pâte épaisse riche en matière sèche...
- L'explosion  du marché du concentré remonte à l'adoption du baril aseptique dans les années 80, d'abord aux Etats-Unis. Depuis lors, les flux tendus augmentent le risque de pénurie, rançon de l'interdépendance des différents pôles de l'espace mondialisé, rendent difficile toute "traçabilité" et provoquent des tensions sur les cours, encourageant la spéculation !