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3°) La culture sportive

un exemple de piste pédagogique

 

Le football en particulier, le sport en général, sont-ils des activités "culturelles" ?

A priori, cette identification ne va pas forcément de soi. Pourtant, tout article d'encyclopédie, toute analyse consacrée aux pratiques sportives, relève l'émergence d'une culture sportive à l'époque contemporaine, et souligne l'importance dans nos sociétés du sport-spectacle.

Le sport est-il une innovation contemporaine, un produit des révolutions industrielles du XIXème siècle ?

La question mérite d'être posée. L'apparition de la culture sportive est en effet présentée classiquement comme typique de la modernité, mais, en même temps, le sport se réclame de traditions ancestrales (le terme lui même vient du Vieux Français, des marques mondiales diffusant les valeurs du sport dans la société comme " Nike" ou "ASICS" font ostensiblement référence à la culture gréco-romaine, même si les jeunes consommateurs achetant leurs produits, pas toujours si jeunes que cela ni systématiquement sportifs "pratiquants" d'ailleurs, n'en ont pas forcément conscience)..

Il est clair en tout cas que le sport est perçu comme créateur de valeurs : grâce à lui, une nouvelle morale fondée sur la loyauté (olympisme) et destinée à encadrer les conflits ou à les règler symboliquement se diffuse à partir du XIXème siècle, ce qui est interprété comme un signe du déclin des valeurs traditionnelles au profit des idées libérales puis démocratiques. La culture sportive serait presque d'essence "parlementaire"... En même temps la pratique sportive diffuse la notion de "performance" individuelle ou collective. Elle signifie à la fois implication personnelle et identification au groupe (pratique de sports "nationaux", excellence "naturelle" de l'individu dans telle ou telle activité sportive propre à la société dont on est issu, adhésion à la World Culture manifestée par l'audience des grandes compétitions : coupes et championnats d'Europe ou du Monde de football et de rugby, grands tournois de Tennis, JO, voire matchs de la NBA ou superbowl attestant l'hégémonie actuelle des Etats-Unis !).

//Echanges// Le sport est un fait culturel mais aussi social et politique et si je suggère, parmi d'autres pistes, d'utiliser ce biais pour bâtir une partie du cours d'Histoire de Terminale, ce n'est pas pour mettre en avant dans une intention démagogique des épiphénomènes. Il faut rappeler que l'on attribue parfois très sérieusement la morosité actuelle de la société française ou l'engouement récent du lectorat national pour les biographies de Napoléon au contre-coup des déceptions sportives après le double sacre de l'équipe nationale de football au Mondial 98 puis au championnat d'Europe 2002 ! En outre la question de la "culture sportive " doit à l'évidence être abordée dans les chapitres de Géographie sur la mondialisation. Parmi les FMN dont la notoriété spontanée est la plus forte, on va trouver des sociétés comme Adidas ou Quiksilver, qui externalisent leur production, délocalisée le plus souvent en Asie, et parviennent à commercialiser leurs marques grâce à des idoles (Parker, Zidane ou Slater, entre autres..) admirées par l'ensemble du "village planétaire". La diffusion mondiale des grands événements sportifs, la multiplication des chaines "dédiées" aux sports, le traitement privilégié de l'information sportive par les médias généralistes (affichage des résultats, des classements, des meilleurs moments des parties, familiarisation du public avec le vocabulaire du Top 14 ou de la Ligue 1, etc...) sont des exemples facilement mobilisables pour évoquer la" Mc Culture".

POURQUOI LE SPORT EST-IL UNE PISTE PEDAGOGIQUE INTERESSANTE ?

La mise en perspective historique de la culture sportive des années 60 à nos jours présente l'intérêt de souligner la charnière des années 70, repère souvent commode pour la plupart des grands thèmes de notre programme. C'est en effet dans les années 70 qu'apparaissent ou se diffusent largement de nouveaux sports (dits "de glisse") associés à un nouvel état d'esprit et à un vocabulaire d'origine anglo-saxon (par exemple le fun) qui déborde rapidement du seul milieu sportif et continue d'inspirer aujourdhui les nouvelles tendances sportives (introduction, jusque dans les épreuves olympiques, de nouvelles pratiques du ski par exemple).

Surtout, un nouveau regard est posé depuis les années 70 sur la pratique sportive et c'est pourquoi on peut prendre le biais de la culture sportive pour évoquer cette décennie et les suivantes, en France notamment :

La dimension spectaculaire se renforce alors que le sport était déjà, depuis longtemps, devenu un phénomène de masse. Des changements de combinaison et de maillots sont adoptés ou proposés avec plus ou moins de succès : on peut citer le raccourcissement des shorts en football ou l'influence du beach volley sur les propositions parfois faites par les médias auprès des fédérations féminines. Des modifications de règles sont adoptées, notamment sous la pression des médias, afin de rendre le spectacle plus sensationnel : adoption du tie break en Tennis pour écourter les parties à la demande des télévisions, du "but en or" en Football pour éviter dans certaines compéttions les tirs au but jugés peu spectaculaires, la pratique des exclusions temporaires dans des sports collectifs qui les ignoraient et l'augmentation du nombre de remplacements autorisés, favorisant le coaching et permettant le maintien d'un rythme de jeu élévé.

La composante technique des sports se renforce, de sorte que la bonne compréhension du spectacle n'est à la portée que des seuls connaisseurs. A cet égard, la mise en valeur du spectacle ne se fait pas au détriment de la complexité des règles. Le téléspectateur est flatté de valoriser ses compétences en matières de règle, et peut argumenter ses critiques contre les entraîneurs, les préparateurs physiques ou les recruteurs des clubs, l'arbitrage est sur la sellette, d'où le recours plus fréquent à la video et à la prise de décision collégiale... Quant au "dopage", il peut être montré comme une manifestation de l'importance des enjeux politiques (avec par exemple les traitements hormonaux infligés aux nageuses de l'ex-RDA à l'époque de la guerre froide) ou économiques.

Les processus d'identification symbolique se renforcent. Les jeux collectifs valorisent des équipes qui sont les figures emblématiques des identités nationales, régionales ou locales et peuvent même incarner des groupes sociaux spécifiques. Des clubs "populaires " (le RC Lens, Manchester united ou l'OM) s'opposent à des formations plus "aristocratiques" (Real de Madrid). La violence symbolique des pratiques sportives tend à devenir violence réelle dans un contexte de crise : on peut évoquer l'hooliganisme comme une des manifestations les plus durables et peut-être les plus inquiétantes des difficultés de nos sociétés développées depuis les années 70..

La féminisation du sport est remarquable. Les héros de la pratique sportive tendent à devenir des héroïnes et, dans un certain nombre de sports individuels, l'audience (et parfois les revenus publicitaires) est meilleure pour les spectacles féminins (tennis, patinage individuel, athlétisme parfois). Le nombre de licenciés de sexe féminin augmente en même temps que la reconnaissance de la valeur des performances féminines. Des pratiques mixtes se développent... Le contraste avec certaines sociétés du "Sud" dont les athlètes femmes sont obligées de s'expatrier parce que leur pratique sportive est jugée inconvenante, est également une piste intéressante à creuser.

 

Pour lire la suite (quatrième partie)à suivre